En 2017, Monsieur Frédéric Didier, architecte en chef des monuments historiques me confie la création de quarante chapiteaux qui viendront habiter la nouvelle galerie nord du cloître canonial de la cathédrale Saint-Vincent de Châlons-sur-Saône. Ce projet audacieux m’offrait l’opportunité d’effectuer un voyage passionnant dans l’imaginaire médiéval, tout en me laissant toute liberté d’interprétation de son caractère disparate et énigmatique.
La commission nationale des monuments historiques souhaitait que la restitution de la claire-voie puisse se démarquer de l’original par la recherche d’une écriture architecturale évocatrice mais non mimétique ; les nouveaux chapiteaux devaient donc suivre le même traitement, c’est-à-dire évoquer des sujets du Moyen-Âge sans le copier, afin de ne pas tomber dans le pastiche.
Après de nombreuses recherches et études documentaires sur l’iconographie moyenâgeuse, il s’agissait pour moi d’entrer en résonance avec l’univers onirique et spirituel du Moyen-Âge où se mêlent animaux fabuleux, créatures fantastiques à la beauté difforme, figures légendaires, grotesques, chimères, fantasmagories, harpies, entrelacs et végétaux, représentés dans un monde naturel ou surnaturel, tout en conservant dans leur représentation le lien avec le sacré primitif, mythique, biblique ou antique.
C’est dans cet esprit et avec la même liberté que j’ai réalisé les premières esquisses en terre, avant de les tailler dans la pierre de Saint-Marc. Les sujets, une fois mis au point et dégrossis dans le volume de la pierre, il ne me restait qu’un travail de finition en atelier puis sur place après le montage de la claire-voie.
Les images sculptées de cette époque ont le plus souvent une fonction symbolique.
L’inventivité et la richesse de l’imagination des artistes du Moyen-Âge a créé des combinaisons de différents animaux réels ou imaginaires et m’ont inspiré ce bestiaire :
L’Homme humble et discret dans sa coquille nous apprend peut être que ce que nous recherchons est en nous, il semble détenir toute la connaissance sans jamais sortir de sa coquille: « connais-toi toi-même et tu connaitras l’Univers et le Dieu. ». Semble-t-il nous dire…
Le lapin est vigilant et nous annonce l’arrivée du printemps !
La grenouille, le lézard et l’escargot sont des apparitions vivantes se promenant nonchalamment sur l’édifice, symbole de résurrection et de métamorphose.
Le papillon éphémère nous parle de notre fragilité, le bélier de notre détermination.
La main d’un enfant sur le sein de sa mère pourrait bien évoquer les Vertus Théologales…
La Vigne et le Vin, ou le Martyr de St Vincent, représenté par le Corbeau protégeant le Saint, chassant à grand coup d’ailes les loups et les oiseaux de proie.
La Légende de Saint Grat représenté par un poisson remontant l’anneau épiscopal de l’évêque de Chalon en 658, quelques années après que l’évêque se soit retiré en pénitence.
La Sagesse et la clairvoyance de la chouette.
L’Homme oiseau est l’âme du rêveur, de l’esprit et de la liberté.
Si la nature profonde de l’animal représenté importe peu, elle sert avant tout de miroir pour juger du comportement des hommes. Ils peuvent être source de savoir comme dans les Écritures :
« Interrogez les animaux et ils vous enseigneront, consultez les oiseaux du ciel et ils seront vos maîtres, parlez à la terre et elle vous répondra, les poissons de la mer vous instruiront car personne n’ignore que c’est la puissance de Dieu qui a fait toutes ces choses »